CHEF DE LA SURETE (1811-1832)  

Les bureaux de la police de sûreté sont installés 6, rue Petite Sainte-Anne à Paris (que l'on appelait alors rue Sainte-Anne mais à ne pas confondre avec la rue Sainte-Anne des 1er et 2ème arrondissements actuelle). C'est une petite ruelle intégrée aux bâtiments de la Préfecture de Police qui donnait dans la cour de la Ste Chapelle (voir plan). Cette rue a disparu au XIXe lors l'agrandissement du Palais de justice vers le Quai des Orfèvres, avec elle, disparut aussi la célèbre rue de Jérusalem.

Vidocq mène sa brigade à la baguette. Le service "ordinaire" est de 18h sur 24 mais il arrive que les agents ne rentrent pas chez eux 4 jours de suite.

Suite à des accusations de vol commis par ses agents, Vidocq leur imposera de porter des gants de peau de daim car un proverbe de l'époque dit "Il n'est pas matou qui attrape des souris avec des mitaines".

Pour appuyer encore le fait que Vidocq souhaite avoir une brigade irréprochable, voici un extrait du règlement de la brigade de Sûreté que Vidocq a lui même conçu :

« Article 1er. - La brigade particulière de sûreté se divise en quatre escouades. Chacun des agents commandant une escouade reçoit ses instructions de son chef de brigade, et celui-ci reçoit les notes de surveillance et de recherche du chef de la deuxième division de la préfecture de Police avec lequel il doit se concerter tous les jours, et autant de fois qu'il sera nécessaire pour le maintien de l'ordre et de la sûreté des personnes et des propriétés. Il lui rendra compte, tous les matins, du résultat de surveillance exercée la veille et pendant la nuit par cette brigade, chaque chef d'escouade devant lui faire un rapport particulier.
Article II. - Les agents particuliers exerceront une surveillance sévère et active pour prévenir les délits; ils arrêteront, tant sur la voie publique que dans les cabarets et autres lieux semblables, les individus évadés des fers et des prisons; les forçats libérés qui ne pourront leur justifier la permission de résider à Paris; ceux qui ont été renvoyés de la capitale dans leurs foyers pour y rester sous la surveillance de l'autorité locale, conformément au Code pénal et qui seraient revenus à Paris sans autorisation, ainsi que ceux qu'ils surprendraient en flagrant délit...
Article III. - Les agents particuliers de la Sûreté ne pourront consigner dans les postes que les individus mentionnés en l'article précédent. Ils ne pourront ensuite les en extraire que sur un ordre écrit de leur chef de brigade, auquel ils sont tenus de rendre compte de leurs opérations en vertu d'un ordre supérieur.
Article IV. - Les agents de police ne pourront s'introduire dans une maison particulière pour arrêter un prévenu de délit sans être munis d'un mandat et sans être accompagnés d'un commissaire de police s'il y a perquisition à faire au domicile.
Article V. - Les agents de police devront, en tout temps, marcher isolément, afin de mieux examiner les personnes qui passent sur la voie publique, et ils feront de fréquentes stations dans les carrefours les plus passagers.
Article VI. - La circonspection, la véracité et la discrétion étant des qualités indispensables pour tout agent de police, ils ne peuvent y manquer sans être sévèrement punis.
Article VII. - Il est défendu aux agents de police de diriger leur surveillance, soit de jour, soit de nuit, dans un autre quartier de la ville que celui qui leur aura été indiqué par leur chef, à moins d'un événement extraordinaire qui l'eût exigé et dont ils rendent compte.
Article VIII. - Il est également défendu aux agents de police d'entrer dans les cabarets et autres lieux publics pour s'y attabler et boire avec des femmes publiques ou autres individus susceptibles de les compromettre. Ceux qui se prendraient de boisson, qui entretiendraient des liaisons secrètes et habituelles avec des voleuses ou filles publiques ou vivraient maritalement avec elles, seront punis sévèrement.
Article IX. - Le jeu étant de tous les vices celui qui conduit le plus promptement l'homme à commettre des bassesses, il est expressément défendu aux agents de police de s'y livrer. Ceux qui seraient trouvés à jouer de l'argent dans un lieu quelconque seront sur-le-champ suspendus de leurs fonctions.
Article X. - Les agents de police seront tenus de rendre compte à leur chef de l'emploi de leur temps.
Article XI. - La première contravention aux défenses faites dans les articles précédents sera punie par une retenue de deux journées d'appointements; en cas de récidive, cette retenue sera doublée, sans préjudice d'une punition plus grave s'il y a lieu. etc....»

Avec une poignée d'agents, il obtient des résultats étonnants et se taille une forte réputation dans le milieu.
(A lire, le portrait d'agents de Vidocq)

Voici le bilan d'une année de travail alors que la brigade comptait une douzaine d'hommes seulement :

- Assassins ou meurtriers ............................ 15
- Voleurs avec attaque ou par violence ................ 5
- Voleurs avec effraction, escalade, fausses clefs... 108
- Voleurs dans les maisons garnies ................... 12
- Voleurs à la détourne et au bonjour ............... 126
- Voleurs à la tire et filous ........................ 73
- Voleurs à la gêne et au flouant .................... 17
- Receleurs nantis d'objets volés .................... 38
- Évadés des fers ou des prisons ..................... 14
- Forçats libérés ayant rompu leur ban................ 43
- Faussaires, escrocs, prévenus d'abus de confiance .. 46
- Vagabonds, voleurs renvoyés de Paris............... 229
- En vertu de mandats de Son Excellence .............. 46
- Perquisitions et saisies d'objets volés ............ 39

          Soit au total.............................. 811

                  [  Ces mêmes statistiques au format "camembert"  ]

Vidocq est sur tous les fronts et se fait des ennemis dans la pègre comme dans la Police : Voleurs, faux monnayeurs, assassins, et faux nobles que la Restauration a fait naître et pulluler à la cour de Louis XVIII sont tous la cible de Vidocq et ses hommes.

La haute société recherche la compagnie de Vidocq en qui il voit un personnage fascinant. Il est convié à toutes les bonnes tables de France et correspond avec plusieurs personnes de la haute noblesse.

1er Avril 1818 Vidocq obtient la grâce de Louis XVIII pour sa condamnation pour faux. Le lois ont changé et les condamnations pour faux ne conduisent plus au bagne. (Photos Stéphane Billonneau et Philippe Saugère)

  

En Novembre 1820, Vidocq se marie avec Jeanne-Victoire Guerin mais le mariage n'est pas heureux, sa femme est très souvent malade et décède le 30 Juillet 1824. La mère de Vidocq mourra 1 mois plus tard à 83 ans.

Malgré les résultats spectaculaires de la Brigade de sureté, Il n'en reste pas moins que son officialité est assez controversée car les paiements de la solde de Vidocq et de ses agents se fait toujours sur des "fonds secrets de Police" comme en témoignent les 2 documents de 1826 ci-contre. (Photos Stéphane Billonneau et Philippe Saugère)    

Dans les dernières années de la restauration, l'opposition politique attaque vigoureusement le régime en place. Vidocq n'est pas épargné et deviendra même une cible privilégiée. Le Préfet Delavau qui craint pour sa position lâche peu à peu Vidocq. Un proche de Delavau, un arriviste parvenu du nom de Duplessis persuade le préfet de se débarrasser de Vidocq. Harcèlement et reproches vont alors pleuvoir sur Vidocq et sa brigade. L'un des principaux reproches que l'on fait aux agents de la Brigade de sûreté est qu'ils n'assistent pas à la messe, c'est dire le souhait de se débarrasser d'eux quelqu'en soit le motif.

Le 20 Juin 1827, Vidocq est contraint à envoyer sa lettre de démission au préfet Delavau :

« Depuis dix-huit ans, je sers la police avec distinction. Je n'ai jamais reçu un seul reproche de vos prédécesseurs. Je dois donc penser n'en avoir pas mérité. Depuis votre nomination à la deuxième division, voilà la deuxième fois que vous me faites l'honneur de m'en adresser en vous plaignant des agents. Suis-je le maître de les contenir hors du bureau? Non. Pour vous éviter, monsieur, la peine de m'en adresser de semblables à l'avenir, et à moi le désagrément de les recevoir, j'ai l'honneur de vous prier de vouloir bien recevoir ma démission.
« J'ai l'honneur, etc. (signé) : VIDOCQ. »

Coco-Lacour, un de ses anciens agents le remplacera à la tête de la sûreté. Il était de ceux qui ne manquaient aucune messe !

Au lendemain de sa démission, Vidocq s'atèle à l'écriture de ses mémoires.

En 1828, elles seront publiées et auront un énorme succès. Mais Vidocq n'est pas satisfait du travail des teinturiers ("hommes de lettres" qui étaient sensés aider Vidocq dans la rédaction des ses Mémoires) qu'il avait engagé pour, il fera donc ensuite paraître ses vraies mémoires écrites par Froment (Voir bibliographie). Ses mémoires seront traduites en Angleterre et adaptées en pièce de théâtre.

Parallèlement à cela, il ouvre une manufacture de papier infalsifiable et d'encre indélébile à Saint-Mandé. Il y fait travailler d'anciens forçat (cette action inspirera le personnage du Père Madeleine à Victor Hugo dans "les Misérables"). Vidocq aura les pires ennuis avec les riverains du fait du passé de prisonniers de son personnel et des nuisances liées à son activité industrielle.

Voici ce que l'on peut lire concernant la papeterie de Saint-Mandé dans des notes (anonymes) parues dans ses mémoires rééditées en 1868 (Edition illustrée - Huillery, Librairie-Editeur, 10, rue Git-Le-Coeur, Paris).

"Tandis que d'autres faisaient couronner par toutes les académies de magnifiques dissertations sur la condition des libérés, et gagnaient, au facile métier e philanthropes théoriciens, décorations, honneurs et profit, l'ancien chef de la brigade de sûreté, qui comprenait mieux qu'un autre combien il importait à la société de tendre une main secourable à ceux de ces malheureux qui témoignaient un repentir réel, résolut de leur procurer des moyens d'existence par le travail, et de les soustraire ainsi aux tentations et aux peines de la récidive.
Il avait choisi cette industrie de préférence, parce que le plus souvent elle s'exerce hors des villes, qu'elle n'est pas très difficile à apprendre, et qu'elle est néanmoins assez productive. Les hommes, au bout de 6 mois d'apprentissage, pouvaient gagner 2 fr. 50 c. par jour, et plus tard 3 fr. 50 c.; les femmes, de 1 fr. 25 c. à 1 fr. 75 c. Ses débuts, quoique pénibles, furent assez heureux; il démontra par l'expérience, plus forte que les raisonnements, que tous les libérés ne sont pas incorrigibles, et qu'avec un peu de persévérance on en pourrait ramener près d'un tiers au bien.

Trois causes contribuèrent à la décadence d'un établissement intéressant à tant d'égards. D'abord ce n'était pas dès le premier jour, mais seulement au bout de six mois, que les libérés, hommes ou femmes, pouvaient gagner ces salaires minimes de 2 fr. 50 c. et de 1 fr. 25 c.; et c'était dès le premier jour qu'il fallait pourvoir à leur logement, à leur nourriture, quelquefois à leur habillement. La question était donc, non pas de leur faire des avances, que jamais peut-être ils n'auraient pu ou voulu rembourser, mais purement et simplement de les entretenir gratuitement pendant leur apprentissage.
La police avait d'abord singulièrement approuvé l'idée de Vidocq, et promis de l'aider puissamment ; une fois qu'il en fut sorti, elle ne lui donna pas un sou et le laissa supporter seul, non-seulement les frais d'installation, lesquels s'élèvent à 100,000 fr. pour chaque machine à papier, mais encore les frais d'entretien de ses futurs ouvriers pendant leur apprentissage; il ne pouvait donc continuer longtemps sur ce pied-là.

Enfin, les indigènes de Saint-Mandé ne valent ni plus ni moins que toute la banlieue de Paris, laquelle ne vaut pas cher, ainsi que chacun sait. A peine les ouvriers de Vidocq furent-ils installés, qu'à tort ou à raison on porta à leurs compte tous les méfaits commis dans la commune, y compris les picorés des visiteurs parisiens. De quoi que ce soit, qui que ce fût se plaignit, un chœur de commères des deux sexes répondait invariablement : « C'est la bande à Vidocq ! »"

Le 28 Janvier 1830, Vidocq épouse sa cousine Fleuride-Albertine Maniez à Saint-Mandé. Elle a 18 ans de moins que Vidocq et sera sa fidèle alliée dans toutes les épreuves qu'il subira par la suite.

En 1832, Vidocq se fait rappeler par Casimir Perier (Ministre de l'intérieur) qui a bien du mal à endiguer les révoltes de Juin. Vidocq redevient chef de la sûreté le 31/03/1832.

            « Nous, Préfet de Police...ce qui suit
   Art. 1er : Le Sieur Vidoc (sic) (Eugène-François) est nommé Chef de la brigade de sûreté en remplacement du Sieur  ????? officier de   paix qui passera dans le service la police municipale à compter du 1er Avril prochain avec le traitement de 4300 Fr. imputable sur le crédit affecté à ce service. Le Sieur Vidoc recevra, à compter du dit 1er Avril un traitement  de 6000 Fr. sur le crédit du service de sûreté.
   Art. 2 : Le secrétaire général et le chef de la comptabilité sont chargé de l'exécution du présent (???) arrêté.
Le Conseillé d'état
????????»

La mission de Vidocq : Protéger la monarchie et le trône de Louis-Philippe qui règne depuis 2 ans. Vidocq affronte les insurgés sur les barricades et triomphe à chaque fois. A 57 ans, il a sauvé la monarchie et sera remercié par le roi pour sa bravoure.

         Ci-contre, une lettre de Vidocq demandant à l'hôpital de l'Hôtel-Dieu si une personne blessée n'a pas été admise dans la nuit du 31 Mars au 1er Avril 1832 (pour les besoins d'une enquête). (Photos Stéphane Billonneau et Philippe Saugère)
«Le Chef de la Brigade de sûreté a l'honneur de prier Mr l'Agent de surveillance de vouloir bien vérifier si une personne de l'un ou l'autre sexe, blessée d'un coup de feu, dans la nuit du 31 Mars au 1er Avril (on ignore à quelle partie du corps) a été reçu à l'hopital de l'hôtel-Dieu depuis le 1er du dit.
Dans l'affirmative, il le pris d'en informer Mr Parisot, Chef du bureau des prisons (???)  à la Prefecture de Police.
Vidocq.
Bupierey Nicolas, Charles, 33 ans, Sergent de Ville (?????) 1er avril.

La réponse à la lettre est annotée en haut du courrier :

Aucune personne des deux sexes n'est entré le 31 mars ni le 1er avril.
le 9 avril 1832.

Vidocq continue alors son activité à la sûreté. A nouveau sous le feu des projecteurs, Vidocq retrouve ses anciens ennemis : La Police et la presse d'opposition républicaine (Vidocq ne s'est jamais caché être royaliste même durant la Révolution).

Le 20 Septembre 1832, Vidocq comparait dans le procès d'une bande de voleurs : On lui reproche d'avoir provoqué les accusés et de les avoir poussé à commettre le vol pour lequel ils sont inculpés. Le fait est que Vidocq a bel et bien monté ce coup pour prendre la bande en flagrant délit. Les défenseurs des accusés les feront passer pour des victimes mais Vidocq démontera cette argumentation par sa grande connaissance du pedigree de chacune des soi-disantes victimes. Les accusations contre Vidocq tombent d'elles-mêmes.

Ce triomphe est un camouflet pour les détracteurs de Vidocq qui devient à nouveau "trop voyant" et une menace pour le préfet en place.  On devra donc s'arranger pour écarter Vidocq à nouveau. Sa démission sera provoquée par une restructuration des services de police et la fusion de la brigade de sûreté avec la police municipale. Vidocq n'accepte pas cette perte d'autonomie et sous prétexte que sa femme est malade (ce qui est toutefois exact), il donne sa démission le 15 Novembre 1832, pour la seconde fois, par la lettre qui suit :

« J'ai l'honneur de vous informer que l'état maladif de mon épouse m'oblige de rester à Saint-Mandé pour surveiller moi-même mon établissement. Cette circonstance impérieuse m'empêchera de pouvoir à l'avenir diriger les opérations de la brigade de sûreté. Je viens vous prier de vouloir bien accepter ma démission, et recevoir mes sincères remerciements pour toutes les marques de bonté dont vous avez daigné me combler.
«Si, dans une circonstance quelconque, j'étais assez heureux pour vous servir, vous pouvez compter sur ma fidélité et mon dévouement à toute épreuve.
« Je suis, etc. (signé) : VIDOCQ. »

Lettre dont l'acceptation sera libellée comme suit :

        « Paris le 17 Novembre 1832
Nous Conseiller d'état Préfet de Police Sur le rapport du chef de la 2ième division :
Arrêtons ce qui suit :
Article 1er : La Démission du sieur Vidocq, chef de la Brigade de sûreté est acceptée à partir de ce jour.
Article 2 : Le Secrétaire  Général de la Préfecture de Police et le Chef de la 2ième Division sont chargés de l'exécution du présent arrêté. »  

 

En 1833, Vidocq ouvre son "Bureau des renseignements Universels" tout en restant surveillé de près par ses anciens ennemis.

Voici ce qu'écrira le Préfet Gisquet sur son compte en 1840 :

"Un homme (le sieur Vidocq) qui avait acquis une sorte de célébrité sous la Restauration fut le créateur de la Brigade de la Sûreté, spécialement occupée de cette partie de la police. Vidocq, dans les entraves de ses anciennes liaisons, ne s'entoura guère que d'hommes flétris par la justice. Il choisissait lui-même ses agents, fixait arbitrairement leur salaire, était toujours l'intermédiaire entre eux et l'administration pour la remise des fonds destinés au paiement de leurs honoraires, et disposait de ses agents à peu près comme il l'entendait.
La répugnance bien naturelle que les préfets et même les employés supérieurs de la Préfecture éprouvaient à être mis en contact avec les hommes de cette Brigade, et à s'initier aux détails de leurs occupations, laissait une direction presque absolue et sans contrôle au chef qui la commandait.
Vidocq est un homme doué d'intelligence et de caractère; seulement un peu tourmenté du besoin de faire parler de lui. Je passerai sous silence les services qu'il a pu rendre, puisqu'ils appartiennent à une autre époque; mais il n'est pas superflu de dire qu'après l'avoir employé pendant quelques mois, j'ai reconnu que son habileté n'était pas ou n'était plus au niveau de sa réputation. C'est surtout dans cette branche qu'il faut varier et renouveler souvent les moyens de découvrir les coupables. Vidocq avait sans doute usé toutes les ressources de son imagination, car, après avoir obtenu de ma confiance la direction de la Brigade, il resta dans l'ornière de ses anciennes habitudes, de ses ruses, qui n'étaient pas toujours avouables, et qui, mises tant de fois en usage, ne pouvaient plus avoir de chance de succès.
Quoi qu'il en soit, Vidocq, m'ayant été adressé par M. de Bondy (Préfet de la Seine) au commencement de 1832, profita de l'audience que je lui accordai pour faire ressortir l'inhabileté des agents de la Sûreté alors en fonction, et pour mettre en relief sa supériorité. j'étais effectivement peu satisfait de la manière dont se faisait alors ce service, et, comptant sur les améliorations promises par Vidocq, je lui rendis, deux ou trois mois après, le poste qu'il avait occupé. Mais il reprit avec lui les débris de son premier entourage, et l'expérience d'un trimestre suffit pour me faire reconnaître tous les inconvénients d'attacher de tels auxiliaires à la Préfecture.
Dans le courant de septembre 1832, un procès criminel eut lieu pour un vol commis à la barrière de Fontainebleau le 23 mars précédent. Trois accusés, savoir: Lenoir, Moureau et Cloquemin, furent condamnés à vingt ans de travaux forcés; deux autres, Seguin et Deplantes, à cinq années de réclusion, et enfin le nommé Léger, devenu, depuis l'exécution du vol, agent de Vidocq, à deux années de prison, pour complicité. Cette affaire, dans laquelle j'ai vu que Vidocq continuait à mettre en oeuvre des repris de justice, et qu'il procédait quelquefois par des moyens auxquels on pouvait reprocher un certain caractère de provocation, me décida à le révoquer et à renvoyer les agents impurs dont il se serait.
Jusque-là on pensait généralement qu'on ne pouvait faire la police des voleurs qu'avec des voleurs. Je voulus essayer de la faire faire par des gens honnêtes, et les résultats ont prouvé que j'avais raison."

Extrait Mémoires de M. Gisquet (Paris : Marchan Editeur du magasin Théatrale, 1840)
Chapitre V du volume II.

Vidocq continuera d'être jalousé et il le sera encore plus tout le reste de sa vie.
 

Vidocq, après la Sureté