LE BAGNE AU TEMPS DE VIDOCQmarqueur eStat'Perso

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  Les Bagnes en France à l'époque de Vidocq

Bagnards au bagne de Toulon

La chaîne, c'est le convoi des prisonniers vers le bagne. Plusieurs fois par an, des groupes de prisonniers convergent à pied vers les grands bagnes de France. Les convois partant de divers cours d'assise sont appelés cordons se regroupent pour former la chaîne. La chaîne avance par étapes, escortée par des gendarmes et des dragons, à l'époque,  c'est un grand spectacle pour la population. On entasse les futurs bagnards dans les étables et les granges réquisitionnés à chaque étape.
Les trajets se font à pieds et en bateau jusqu'à l'arrivée des voitures cellulaires en 1837.

Ci-dessous, l'ordonnance du Roi concernant le transport des forçats aux bagnes :
 
"Au Palais des Tuileries, le 9 décembre 1836.
 Louis-Philippe, Roi des Français, à tous présents et à venir, Salut.

Vu l’Ordonnance royale du 20 août 1828, portant répartition des condamnés aux travaux forcés entre les ports militaires du royaume, en raison de la durée de la peine qu’ils ont à subir ;
Sur le rapports de notre ministre secrétaire d’État au département de l’Intérieur,
 

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
 
Art. Ier . Le service des chaînes pour le transport des forçats aux bagnes est supprimé à compter du 1er juin 1837 au plus tard.
Art. 2 . A l’avenir, les criminels condamnés aux travaux forcés seront transférés, sans distinction de la durée de la peine, dans les bagnes de Brest, Rochefort et Toulon.
   Nos ministres de la Marine, de l’Intérieur se concerteront pour la répartition des forçats entre ces trois ports militaires.
Art. 3 . Le transport des forçats aux bagnes de Brest, Rochefort et Toulon, s’opérera dans des voitures fermées et par des moyens accélérés, suivant les itinéraires qui seront arrêtés par notre ministre secrétaire d’État à l’Intérieur.
Art. 4 . L’ordonnance du 20 août 1828 est rapportée.
Art. 5 . Nos ministres secrétaire d’État aux départements de l’Intérieur et de la Marine sont, chacun en ce qui le concerne, chargé de l’exécution de la présente ordonnance, qui sera insérée aux Bulletins des lois.
 

           
Signé Louis-Philippe

Par le Roi : le Pair de France Ministre Secrétaire d’État au département de l’Intérieur."

 


             C'était le 20 décembre 1797. Le capitaine et le lieutenant de la chaîne vinrent nous visiter. Ils nous appelaient leur "marchandise'. Parmi les "chevaux de retour" (forçats évadés), le capitaine qui se nommait Viez, reconnut Desfosseux : "Ah' ah! dit-il, voilà le fameux "ferlampier" (condamné habile à couper ses fers). Morbleu! on dit que tu as manqué d'être "fauché" (guillotiné). Tu as bien fait, mon garçon, d'esquiver la "butte" (la guillotine) car il vaut encore mieux retourner au "pré'" (au bagne), que le "taule" (le bourreau) ne joue avec notre "sorbonne" (notre tête). Au surplus, mes enfants, soyons calmes et nous aurons le "comant" (le boeuf) avec du persil". Viez et Thierry, son lieutenant, continuèrent leur visite, adressant des plaisanteries du même genre à leurs "chevaux de retour".
           Le moment critique arriva. Il fallut descendre dans la "cour des fers". Là, chacun de nous fut dépouillé de la livrée de Bicêtre, pour en recevoir une autre, de voyage. A ces préliminaires, succédèrent le "ferrement" et la coupe de cheveux et des favoris. Après cette opération, nous fûmes livrés à nous-mêmes. Alors, les jurements, les sales plaisanteries, les intonations les plus dégoûtantes, éclatèrent de toutes parts. Au milieu de ce brouhaha, un "cheval de retour" entonna, d'une voix qui dominait toutes les autres, ce chant si connu dans les bagnes. la Complainte des galériens.

La chaîne,
C'est la grêle;
Mais c'est égal,
Ç'a n'fait pas de mal.

Nos habits sont écarlates,
Nous portons au lieu d'chapeaux
Des bonnets et point d'cravate,
Ç'à fait brosse pour les jabots.
Nous aurions tort de nous plaindre,
Nous sommes des enfants gâtés,
Et c'est crainte de nous perdre
Que l'on nous tient enchaînés.

Nous f'rons des belles ouvrages
En paille ainsi qu'en cocos,
Dont nous ferons étalage
Sans qu'nos boutiques pay' d'impôts.
Ceux qui visit'nt le bagne
N' s'en vont jamais sans acheter,
Avec ce produit d' l'aubaine
Nous nous arrosons l' gosier.

...............................................

Quand vient l'heur' de s'bourrer l'ventre,
En avant les haricots !
Ça n'est pas bon, mais ça entre
Tout comm' le meilleur fricot.
Notr' guignon eût été pire,
Si, comm' des jolis cadets,
On nous eût fait raccourcire
À l'abbaye d' Mont-à-r'gret.

        Les condamnés étaient divisés en trois cordons. Dans le troisième, on avait mis les moins turbulents. Dans les autres cordons, les hommes dangereux. Près de moi, deux hommes. L'un, ex-maître d'école, condamné pour viol. L'autre, ex-officier de santé, condamné pour faux. Ils causaient. Du ton le plus naturel. ''Nous allons à Brest? disait le maître d'école. - Oui, répondait l'officier, nous allons à Brest. Je connais le pays, moi. J'y suis passé, étant sous-aide à la 16è demi-brigade. Bon pays, ma foi. Je ne suis pas fâché de le revoir. - Y a-t-on de l'agrément? - De l'agrément? - Oui, de l'agrément. Je veux demander si l'on peut se procurer quelques douceurs, si on est bien traité, si les vivres sont à bon marché. - D'abord, vous serez nourri, et bien nourri. Car au bagne de Brest, il ne faut que deux heures pour trouver une gourgane dans la soupe, tandis qu'il faut huit jours à Toulon". Cette conversation fut interrompue par de grands cris. L'ex-commissaire des guerres Lemière, l'officier d'état-major Simon, et un voleur nommé le Petit Matelot, étaient assommés à coups de chaîne par leurs camarades qui les traitaient de "dénonciateurs". Je sauvais Lemière et Simon par mon intervention. Mais le Petit Matelot, surnommé "Mademoiselle", un de ces misérables qui trouvent à Paris et au bagne un théâtre digne de leurs dégoûtantes voluptés, succomba à ses blessures ... Nous passâmes la nuit sur la paille. Jusqu'au jour, les argousins nous surveillèrent. Il ne s'agissait pas de ''jouer du violon" (de scier ses fers). Alors, on fit l'appel, on examina nos fers, on nous plaça dos à dos sur de longues charrettes. A saint Cyr, on nous déshabilla entièrement et on nous visita toutes les parties du corps pour s'assurer que nous n'avions aucun instrument propre à couper le fer.
        Après un voyage d'une vingtaine de jours, nous arrivâmes à Pont-à-Luzen, dépôt du bagne, abreuvés d'injures et meurtris de coups de bâton. Pont-à-Luzen était une sorte de lazaret où les bagnards devaient passer une quarantaine de jours, tant pour Se remettre de leurs fatigues que pour donner aux médecins le temps de s'assurer que les condamnés n'étaient pas atteints de maladies contagieuses. Dès notre arrivée, on nous fit laver, deux par deux, dans de grandes cuves. Ensuite; on nous distribua des vêtements dont chaque pièce était marquée des lettres GAL.
      Alors on nous riva au pied ce qu'on appelle la manicle. Mais on ne nous accoupla pas.
La surveillance exercée à Pont-à-Luzen n'était pas très active. Je tenais d'un nommé Blondy, qui s'était évadé du bagne de Brest, qu'il était facile de sortir des salles et de franchir les murs extérieurs de ce dépôt. Bien décidé à mettre ces indications à profit, je m'entendis avec le même Blondy et quelques autres pour percer un mur à l'aide d'un ciseau, oublié par les "sbires" chargés de river les manicles. Pendant que je besognais, Blondy sciait mes fers. Dans mon lit, un mannequin fabriqué par mes camarades, trompait la vigilance des argousins. L'opération terminée, je parvins sans peine dans la cour du dépôt. J'y trouvai une perche. Elle me servit à escalader le mur qui avait quinze pieds de haut. Mais cette perche étant trop longue et trop lourde, je ne pus la faire passer à l'extérieur. Je risquai donc le saut.
Seulement, je me foulai les deux pieds. Je ne pus même pas me traîner jusqu'à un buisson peu éloigné de là. Au jour, la douleur, loin de se calmer, devint beaucoup plus vive. Mes pieds étaient tellement enflés qu'il me fallut renoncer à l'évasion. Dans l'espoir d'obtenir une diminution sur le nombre de coups de bâton qui me revenaient pour cette tentative, je me résolus à rentrer de moi-même au dépôt. Parvenu à la porte, après de longs et pénibles efforts, je fis demander une soeur qui m'avait témoigné de l'intérêt. J'avouai à cette femme ma tentative. Elle me fit passer dans une salle où l'on pansa mes pieds. Puis elle alla solliciter ma grâce. Le commissaire du dépôt la lui accorda. Et quand je fus complètement guéri, au bout d'une vingtaine de jours, on me conduisit au bagne, dans l'enceinte du port de Brest.


En travaux...

Mise au fers       Mise au fers
L'équipement complet du bagnard       Contrôle des fers

En travaux..

 

En travaux..

Un plan (kit d'évasion et coffre fort à glisser dans l'anus) Evasion ratée !!


 
  Vidocq au bagne

  • Historique du Bagne de Brest

Le bagne de Brest est édifié entre 1750 et 1751 par l’architecte Antoine Choquet de Loirdu, sur la rive gauche de la Penfeld. Il se compose d’un pavillon central destiné à l’administration, aux agents de surveillance, aux chirurgiens et à l’aumônier. Dans la cour, se trouvent les baraques des forçats.

  • Extrait des Mémoires de Vidocq (Version épurée Ed. La Découvrance)

            L'arrivée au Bagne de Brest

....... Il est difficile de se défendre d'une vive émotion au premier aspect de ce lieu de misères. Chaque salle contient vingt-huit "bancs" sur lesquels couchent, enchaînés, six cents forçats. Ces longues files d'habits rouges, ces têtes rasées, ces yeux caves, ces visages déprimés, le cliquetis continuel des fers, tout concourt à pénétrer l'âme d'effroi. Et puis les propos ignobles, les moeurs, les provocations de la part des garde chiourmes, et si funestes aux forçats réduits au désespoir ... Et ces châtiments infligés sans raison. Je ne songeai qu'à m'en affranchir. ........

  • Historique du Bagne de Toulon ( plaquettes d'informations sur la visite de l'arsenal)

Toulon devint ainsi la base des galères qui quittèrent définitivement Marseille, dont le Bagne fut supprimé. Toulon dut dès lors loger les forçats. On le fit d'abord sur les galères auxquelles on adjoignit des vaisseaux qui prirent le nom de bagne flottants ; puis il fallut procéder à des installations à terre. A la fin du XVIIIème siècle, on ne construisit plus de galères mais on continuait à envoyer des forçats à Toulon. Il y en avait environ 3000. Ces forçats ne faisaient plus office de rameurs ; on les employait à des travaux de force, de terrassement, de construction, dans l’Arsenal et même en ville. L'habillement des bagnards, composé d'un bonnet et d'un habit, avait une couleur différente suivant la nature et le motif de leur condamnation. Sous l'ancien Régime, ils étaient marqués au fer rouge. On encerclait un de leurs pieds d'un anneau muni d'un bout de chaîne permettant de les immobiliser. Les plus "durs" étaient enchaînés deux à deux ; le boulet au pied constituait une punition disciplinaire avec la bastonnade à coups de corde. Ces châtiments s’adoucirent progressivement. La nourriture qui comportait peu de viande et une ration de vin pour les travailleurs était surtout à base de légumes secs, d'où le nom de "gourgane" (en provençal : fèves) qu'ils donnaient à leurs gardes-chiourmes.
L'état sanitaire n'était guère brillant, de sorte que, dès le début, on avait dû se préoccuper de loger les malades à terre et d'aménager un hôpital du Bagne. Celui-ci fut installé en 1777 dans les casemates du rempart Sud-Est de la Darse Vauban, où des constructions supplémentaires furent édifiées, adossées au rempart. Puis l'hôpita1 se transporta en 1797 dans un immense bâtiment de 200 mètres de long, orienté Nord-Sud, construit en 1783 le long du quai Ouest de la Vieille Darse, appelé Grand Rang. Ce bâtiment avait un vaste rez-de-chaussée voûté à trois travées ; l’hôpital occupa le 1er étage. Deux tours d'angle carrées à toit pyramidal le terminaient au Nord et au Sud ; dans celle du Nord fut installée la Chapelle des Forçats. Le reste du bâtiment était occupé par les Services Administratifs. Quant aux forçats valides, on les avait logé là où se trouvait antérieurement l’hôpital ; mais en 1814., ils furent installés dans un bâtiment Est-Ouest de 115 mètres de long, perpendiculaire à l’hôpital, bâti en 1783 sur le quai Sud-Ouest de la Vieille Darse, entre la Chaîne Vieille de la passe et le Grand Rang. Près de là se trouvait amarré un navire dit "Amiral" qui gardait la passe et tirait le coup de canon du matin et du soir. Dés le début du Second Empire, la suppression des bagnes des ports militaires, jugés à la fois peu désirables et peu rentables, avait été envisagée mais elle ne fut effective que le jour où les bagnes de Cayenne et de Nouméa furent prêts à recevoir tous les condamnés. C'est en 1873 que le bagne de Toulon cessa d'exister. Ses bâtiments furent répartis entre divers services militaires, en particulier ceux de la défense du littoral ; on y vit le Centre d'Etudes de la Marine, l’Artillerie de côte, etc... Ils survécurent jusqu'en 1944 où ils subirent alors une destruction presque totale. Actuellement, des locaux occupés par les bagnards, il ne subsiste qu'un bâtiment appuyé sur un fragment de l'ancien rempart sud-est de la darse Vauban, conservé à titre de souvenir ; ce bâtiment est utilisé comme restaurant pour le personnel de l'Arsenal.
En 1836 le Bagne de Toulon comptait 4305 détenus, 1193 condamnés à perpétuité, 174 à plus de vingt ans, 382 entre seize et vingt ans, 387 entre onze et quinze ans, 1469 entre cinq et dix ans et 700 à moins de cinq ans. De nombreux bagnards célèbres y sejournèrent dont Vidocq en 1799 ou bien encore l'imposteur Coignard, quand à Jean Valjean il ne fut que le fruit de l'imagination de Victor Hugo.

  • Extrait des Mémoires de Vidocq (Version épurée Ed. La Découvrance)

                L'arrivée au Bagne de Toulon

....... Après un voyage long et pénible, la chaîne arriva enfin à Toulon. Les condamnés furent conduits à bord du Hasard, un ancien vaisseau qui servait de bagne flottant. En ma qualité de "cheval de retour", je fus mis à la double chaîne et placé dans la salle n° 3, destinée aux forçats les plus suspects. Là, avec ces malheureux qu'on s'abstenait de conduire à "la fatigue" de peur d'évasions, j'étais couché sur une planche, enchaîné au banc, couvert de poux et livré à toute la brutalité des argousins. Parmi mes compagnons était un nommé Vidal, condamné à vingt-quatre ans de travaux forcés pour meurtre. Assassin à quatorze ans, assassin de nouveau, puis bourreau au bagne : il exécutait ses camarades sans sourciller. Au même banc figurait le Juif Deschamps, l'un des auteurs du vol du garde-meuble national, assassin par vocation. Je n'étais séparé de Deschamps que par Louis Mulot, fils du fameux Cornu qui fut, si longtemps, la terreur des paysans de la Normandie. .......


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