"BIOGRAPHIE DES COMMISSAIRES DE POLICE DE PARIS" DE M. GUYON (1826)marqueur eStat'Perso

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  Présentation de l'ouvrage
  • Titre complet "Biographie des commissaires de police et des officiers de paix de la ville de Paris suivie d'un essai sur l'art de conspirer et d'une Notice sur la Police centrale,  la Police militaire,  la Police du Château des Tuileries,  la Police de la Garde Nationale,  la Police de la place,  la Police des alliés, les inspecteurs de Police,  la Gendarmerie, les prostituées de la capitale, de Vidocq et sa bande."
  • Ouvrage publié par Louis Guyon (il semblerait qu'il fût lui même policier mais je n'ai pas trouvé d'informations supplémentaires sur ce personnage). Editeur "Chez Mme Goullet, Libraire, au Palais Royal; L'éditeur, rue de l'Arbre sec, N°25, et tous les marchands de nouveautés."
  • La première partie concernant la Biographie des fonctionnaires de Police est une critique au vitriol de la police de l'époque:  les fonctionnaires de Police y sont nommés et leurs travers (réels ou non) dénoncés (escrocs, paresseux, complaisants, corrompus, faibles, incompétents, etc.). D'autres ouvrages décrivant la Police suivirent (celui de Froment et de Canler par exemple) toutefois aucun n'est aussi critique sue celui de Guyon. J'ai lu, il y a quelque temps que cet ouvrage avait été interdit et on comprend pourquoi. Guyon n'a pas la langue dans sa poche, les critiques sont virulente
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  •   Contenu de l'ouvrage Chapitre par Chapitre
    1. Biographie des commissaires de la Ville de Paris (p5 à 57)

    2. On trouve ici une liste de portraits des commissaires de police de la Ville de Paris. Les portraits au vitriol sont peu flatteurs et peu de commissaires échappent à la critique.

      Extrait :

    3. Biographie des Officiers de Paix de la Ville de Paris (p58 à 79)

    4. Même traitement pour les Officiers de Paix.

      Extrait :


    5. Essai sur l'art de conspirer (p83 à 104)


    6. Notice sur la Police en général et sur ses adhérences (p105 à 113)


    7. La Police Centrale (p115 à 130)


    8. La Police Militaire (p133 à 137)


    9. La Police du château des tuileries (p141 à 145)


    10. La Police de la garde royale et des gardes du corps (p149 à 152)



    11. La Police de la place de Paris (p155 à 158)


    12. La Police des Alliés (p161 à 168)


    13. Les inspecteurs de Police (p171 à 194)


    14. La gendarmerie de Paris (p197 à 205)


    15. Les prostituées de la capitale (p209 à 226)


    16. Vidocq et sa bande (p229 à 238)

    17. Voir ci-dessous le texte intégrale du chapitre "Vidocq et sa bande"


      Intégralité du chapitre : "VIDOCQ ET SA BANDE"

          N'est-ce pas une chose inouï, que de voir mettre les armes entre les mains. d'individus que la justice a flétris, et que la Société a pour toujours repoussés de son sein? L'existence publique du chef de ces individus,le nommé Vidocq, est une monstruosité qui pèse énormément sur la police. Mandrin, Cartouche, que vos ombres dans le Ténare pâlissent, au récit des exploits de Vidocq ! toutes vos ruses, tous vos forfaits. toutes vos manoeuvres exécrables sont surpassés. Esquissons les traits de cet être si fameusement immoral. Vidocq, qui porte aussi le nom de Jules, sous lequel il se fait adresser les journaux, a cinq pieds six pouces, des formes colossales, les cheveux blonds, le nez long, les yeux bleus et la bouche riante; enfin son ensemble, au premier aperçu, n'est pas sans agrément. Quoique souvent il a l'air impudent et porte effrontément ses regards sur tous ceux qu'il rencontre, comme s'il avait le signalement du genre humain; quoique changeant souvent de costume, sa mise est toujours très soignée; et comme il est dans une position fort aisée, il a un cabriolet où il est souvent accompagné d'un de ses familiers, mais qu'il place tantôt devant et tantôt derrière, suivant le rôle qu'il va jouer. Jamais il ne sort sans être armé d'un long poignard, dont la lame fort large est masquinée en or, et dont le manche est incrusté de pierreries.

            Vidocq, jadis tailleur d'habits dans la cour Saint-Martin, à Paris, n'ayant pas tout-à-fait bien pris ses mesures dans une certaine affaire, la justice s'en empara, et un jugement bien en forme lui servit de feuille de route pour se rendre au bagne de Toulon, ou, en arrivant, on reconnut sur ses épaules tous les insignes de la friponnerie. C'est là que son éducation se compléta; c'est là qu'il acquit toutes les grâces du métier. Doué d'intelligence et de beaucoup de mémoire, il apprit toutes les ruses des voleurs qui l'entouraient, retint exactement les noms des plus intelligens coquins et forma de tout cela dans sa tète, une espèce de biographie, dont il s'est servi après que le temps de son exil fut écoulé.

            De retour à Paris, Vidocq, forçat libéré, vécut dans une sorte d'obscurité assez voisine de la misère; mais, se sentant le génie des grandes affaires, il demanda à M. Henry, chef de la deuxième division, d'être occupé dans la police; et, comme de temps immémorial on a toujours employé des voleurs pour en découvrir d'autres, l'intelligent Vidocq fut agrégé au corps des mouchards secrets. M. Henry, dont il devint le protégé, n'ayant qu'à se louer de ses talens, quoiqu'il sût à peine lire et écrire, le lança dans la carrière administrative de la préfecture de police; et là, chaque jour se rendant de plus en plus digne des bontés de son protecteur, il finit par ne plus marcher dans l'ombre, et M. Henry, en soulevant tout-à-fait le voile qui couvrait son protégé, le fit nommer chef de la brigade de sûreté. Vidocq parut radieux de satisfaction; on lui créa un bureau, des attributions de tout ce qui tient aux crimes, aux vols, etc....; et, après avoir été agent, le complice de tels délits, il se chargea de leur répression, du moins en apparence. Ne pouvant agir seul, il lui fallut des collaborateurs, et des col1aborateurs dignes de lui; il eut la permission de les prendre partout, d'abord parmi ceux qui, comme lui, étaient en liberté, et puis dans les cabanons, les cachots de Bicêtres et des autres prisons d'où il exhuma tous les fripons et les voleurs qui lui convinrent. Il fit ses secrétaires de deux intelligens coquins: le premier Lacour, dit Coco et le second Decustor, Sans sobriquet; et c'est assez étonnant, car les fripons et les filous en ont toujours. Le nommé Goury, comme ami intime de Vidocq, devint son sous-chef; mais l'ami pensa perdre les bonnes grâces de son chef, pour s'être approprié, dans une perquisition, certains bijoux qu'il avait trouvés à sa convenance : la force de l'habitude !

            La Brigade de Vidocq est composée de 25 à 30 personnes qui toutes ont mérité le sort de ceux qu'ils sont chargés de poursuivre et d'arrêter. Par ce nombre de coquins qui marchent la tête levée, on voit quel supplément de fripons on a lancés dans la société. Mais l'administration de la police veut persuader que cela est nécessaire. Et pourquoi s'en étonner ? ne se sert-on pas d'acétates de morphine et d'opium pour rendre la santé aux malades? par la même raison on employe des voleurs pour purger la société des mauvais sujets qui la pillent, qui la volent.

            Avec le temps, l'importance de Vidocq s'est accrue; il a pris un vol plus élevé; ses appointemens d'abord furent portés à 4.000 fr., et il y ajouta le produit des affaires auxquelles il se livra. Placé sur un plus grand théâtre que celui où il figura jadis de onze heures à midi, il organisa des bureaux, il eut des employés autorisés et payés par la police, et l'on connut dans Paris la bande de Vidocq. Les voleurs inoccupés sollicitaient chez lui, rue Sainte-Anne, n° 6, près de la préfecture, comme dans un ministère, les places qui pouvaient vaquer dans la brigade de sûreté. Dans ces bureaux, étaient alors inscrits par Lacour, dit Coco, tous les forçats libérés qui habitent dans la capitale; et la morgue avec laquelle Vidocq accueillait ses anciens compagnons d'armes était une chose fort curieuse à remarquer. On voyait dans les bureaux de ce chef de brigades, enorgueilli de ses succès, des hommes mis avec une certaine élégance lui faire la cour, et dans la conversation lui rappeler qu'on s'était rencontré à Toulon, et vu en maints autres endroits. Pour ses arrestations difficiles, pour ses expéditions nocturnes, il avait logé chez lui l'élite des coupe-jarrets: placés sous ses ordres, il les habillait, les nourrissait, et la femme de l'un d'eux faisait la cuisine pour tous, à peu près comme la vieille Léonarde dans la caverne de Gilbias. Le goût des affaires vint au chef de la brigade de sûreté, qui plus d'une fois mit en sûreté beaucoup d'objets qu'il avait à très-bon compte: bijoux., pendules, montres et tableaux, tout lui contenait; peu s'en fallut qu'il ne fit la banque; mais, en attendant, il prêtait sur gages, escomptait des billets, et se contentait quelquefois de 25 pour 100.

            Pour s'assurer des voleurs qui ne se compromettaient pas trop vis-à-vis de lui, il leur tendait des piéges, en leur adjoignant des agens de sa bande, pour faire leur coups, et quand ils s'y laissaient prendre, il faisait main-basse sur tous, et reprenait ses agens provocateurs, qu'il retirait des mains de la justice. Mais Vidocq se brouilla avec ses secrétaires, Lacour dit Coco, et Decustor qui l'accusèrent en plein tribunal d'une foule de vexations, d'escroqueries, d'honnêtes bénéfices enfin, auxquels ils n'avaient pas eu leur part proportionnelle; telle, par exemple, que la somme donnée par la banque de France, dans l'affaire des faux billets fabriqués par Collard, Presque toute la bande se révolta contre son chef; Ils portèrent plainte au préfet, qui ne voulut point entendre de ces querelles entre fripons; ils l'attaquèrent plus directement encore, en l'accusant d'avoir provoqué des voleurs à spolier une boutique, qui l'avait été effectivement, et dans le butin de laquelle spoliation il avait eu sa quote-part. L'autorité en fut indignée, sut à quoi s'en tenir sur le chef de la brigade secrète, mais ~e le renvoya pas ; et il continue, tout couvert de honte et d'infamie, à souiller la capitale de sa présence, et à l'offusquer d'un luxe qui ne peut être que le produit de ses rapines.

            Encouragé par de nouveaux succès, Vidocq fit la traire des hommes pour le remplacement des militaires, et se livrait à cette branche de spéculation, à ce genre de concussion avec toute l'effronterie d'un homme qui est assuré de l'impunité. On évalue à trois ou quatre cent mille francs la fortune de ce pirate, dont l'ameublement, rue de l'Hirondelle, pourrait rivaliser avec le faste de l'hôtel de certain Ministre. tout concourt à l'enrichir: les Avocats, les Négocians, les Avoués, les Huissiers,. les Gardes du Commerce s'adressent à lui lorsqu'ils ont épuisé tous les moyens de s'assurer d'un homme qui se soustrait à la prise de corps. Aussitôt ses furets sont mis en campagne, et le malheureux qu'on poursuit, à moins qu'il ne se cache dans les entrailles de la terre, parmi les gnomes, est bientôt dépisté. C'est aux soins, c'est à l'adresse de Vidocq que le sieur Séguin dut l'arrestation, vainement entreprise par d'autres, du fameux fournisseur Ouvrard; et cette expédition, cette belle capture lui a été payée au poids de l'or. Il a pourtant échoué dans une affaire où toute son , imagination a dû s'évertuer en tous sens c'est dans la découverte, non encore obtenue, des voleurs qui se sont emparés des diamans de Mme la Comtesse de Chabrol; et, dans un moment de dépit, Vidocq dit: ma foi ! je douterais du vol, si je pouvais soupçonner le Préfet de vouloir me mystifier; mais je ne renonce pas à l'espoir de le satisfaire. C'est à lui qu'est due l'arrestation des scélérats de la forêt de Sénart; quoique, dans cette affaire, il ait, dit-on, fait preuve de lâcheté personnelle. Ne nous en étonnons pas trop: le véritable courage ne se rencontre jamais dans la boue.

            Vidocq afferme pour son compte toutes ces petites banques de jeux de hasard qu'on voit particulièrement sur les boulevards, jeux défendus par la police, et exploités par des filous, jeux prohibés par l'autorité , qui, d'un autre côté, souffre que le chef de la brigade de sûreté en exploite le loyer qui, dit-on, lui rapporte mille à douze cents francs par mois..

            Mais, en dernière analyse, quels que soient les services que rend Vidocq, la police devrait-elle lui accorder un caractère public ? Dernièrement il osa certifier la signature d'un juge d'instruction; c'est, pour ce magistrat, une sorte de flétrissure dont il pourrait demander réparation à l'autorité qui emploie Vidocq. Il ne faut donc pas s'étonner si la police est tellement conspuée en France, lorsque de tels hommes en font partie. Qu'on employe Vidocq et sa bande, mais qu 'on le fasse avec discrétion, avec discernement ! qu'on les surveille tous comme des mauvais sujets dont on peut encore utiliser les honteux, les dangereux talens au profit de la Société;  mais qu'on n'investisse point leur chef d'une sorte de considération, et qu'ils sachent tous, qu'en leur faisait grâce, ou ne leur accorde pas l'existence avec tous les avantages du réméré ! Quels dangers ne doit-on pas redouter de cet amas de brigands, en les abandonnant à eux-mêmes, et en accordant à leur chef une latitude, une sorte de puissance qui effraie continuellement les citoyens, et qui expose sans cesse l'administration à d'affreux remords, dont elle a, peut-être, déjà ressenti les redoutables et poignantes atteintes?

    FIN

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